17 avril 2000

Langues minoritaires : la pression sur la France

« Les institutions françaises continuent à mettre en œuvre une politique d’éradication des langues. Quand la pression sociale s’exerce, tous les freins institutionnels se mettent en place ». Samedi, à Paris, 400 militants des langues minoritaires ont dénoncé l’attitude de la France sur la question et démonté les arguments invoqués pour replacer le débat sur le terrain de la responsabilité politique. 

  

Manifestation pour les langues devant le Conseil d'Etat et le Conseil Constitutionnel le 15 avril 2000

Les Bretons s’étaient déplacés nombreux samedi à la Maison de l’UNESCO à Paris pour le colloque organisé dans le cadre de la Journée européenne des Langues. Environ 130 délégués des fédérations et associations culturelles bretonnes ont débattu avec des représentants d’Occitanie, d’Alsace, de Corse, des départements d’Outre-Mer, du pays basque. et même du Poitou Saintongeais. Anna Vari Chapalain, adjointe au maire de Quimper et responsable du Comité français du Bureau européen des Langues a mené les débats riches et unanimes pour condamner l’attitude de la France. « L’UNESCO, organisme intergouvernemental qui réunit 188 états membres défend la diversité linguistique, a déclaré en ouverture Joseph Poth, directeur de la Division des langues à l’UNESCO. Nous n’acceptons pas la hiérarchie linguistique. Le respect de la diversité culturelle et linguistique est une des conditions de la paix dans le monde ». 

Des arguments juridiques contestables 

Regina Jensdottir, juriste et membre du Conseil de l’Europe a rappelé que les pays candidats au Conseil de l’Europe devaient s’engager au préalable à signer la charte des langues. « Il serait malheureux que l’un des vieux états démocratiques européens ne donne pas le bon exemple ».  Toute la journée a tourné autour du blocage par le Conseil constitutionnel de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires après sa signature par le gouvernement en mai 1999. Hugues Moutouh, juriste, membre du CNRS, s’est attaché à démonter les arguments juridiques invoqués par le conseil constitutionnel. « Ses membres n’ont pas cherché dans les 39 articles retenus par le gouvernement dans cette charte, a-t-il expliqué. Ils étaient constitutionnels. Ils ont donc invoqué les principes généraux sans effets juridiques du préambule. Le conseil constitutionnel n’a fait que suggérer l’inopportunité d’un projet et de ses conséquences possibles. Il a réaffirmé ainsi le mythe de l’unité et de l’indivisibilité de la France, c’est-à-dire de son uniformité. C’est un dogme, un principe érigé en religion républicaine. Cette leçon de droit est contestable ». L’écrivain berbère Nourredine Saadi a ajouté que pour combattre l’intégrisme, il fallait « séculariser les langues, les rendre aux sociétés qui les parlent ». « Il ne s’agit pas d’un débat entre citoyenneté et communautarisme mais sur une conception de l’assimilation dans la République qui ne doit pas être dissolution ». Il a donné un exemple concret des conséquences de « l’immobilisme coupable des autorités dans la non prise en compte du créole, langue maternelle de la majorité des enfants ». « C’est la cause de l’échec scolaire majeur à la Réunion. On forme des enfants mutiques ». 

2001 année décisive 

2001 sera l’année européenne des langues. Les participants au colloque ont senti qu’elle serait décisive pour la France. Un coordinateur a été nommé par le gouvernement pour suivre les dossiers. Il s’agit d’un inspecteur d’allemand de l’Education Nationale dont l’absence était remarquée samedi. Il ne va pas tarder à faire connaissance avec les militants des langues minoritaires regonflés par la politique menée par les institutions européennes.

R. Larvor


Les Français largement favorables aux langues minoritaires 

Le Comité d’Alsace-Moselle du Bureau Européen des Langues Moins Répandues a fait réaliser par l’IFOP les 6 et 7 avril un sondage auprès de 955 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus. Il en ressort que 82 % des personnes interrogées se disent favorables à la ratification par la France de la Charte des Langues Régionales, ratification bloquée par le Conseil Constitutionnel. Par ailleurs, 79 % des interrogés se déclarent favorables à une modification de la Constitution pour pouvoir appliquer la Charte. Pour les deux questions, les plus jeunes sont les plus favorables (90 % pour), les plus de 65 ans et les retraités les plus réticents (67 % pour). Politiquement, les écologistes sont en tête des personnes favorables, la gauche est plus favorable que la droite. A droite encore, les personnes proches du RPR sont plus favorables que les sympathisants de l’UDF. 


SINTEZENN AR GAZETENN :

Yezhoù bihanniver : Frañs war damall 

Disadorn, e oa aet 400 stourmer da Bariz da damall ouzh Frañs hec'h emzalc'h a-dal da gudenn ar yezhoù bihanniver. War-dro 130 dileuriad kevreadoù ha kevredigezhioù sevenadurel Breizh o doa toullet kaoz gant dileuridi Okitania, Elzas, Korsika hag Euskadi, da-geñver ar c'hendalc'h aozet evit Devezh Europa ar Yezhoù e Ti an UNESCO. Kondaonet e oa bet emzalc'h Frañs ivez gant Anna Vari Chapalain, anezhi eil maerez Kemper hag e karg eus Poellgor Frañs Burev Europa ar Yezhoù Bihanniver. Ur c'henurzhier a vo anvet gant ar gouarnamant da heuliañ an teuliadoù ha d'ober anaoudegezh gant an emsaverien a stourm evit ar yezhoù bihaniver. Hervez ar re o doa kemeret perzh er c'hendalc'h e tlefe 2001 bezañ bloavezh yezhoù Europa hag ur bloavezh a-bouez evit Frañs.