Manifeste de Nantes du 23 février 2002


POUR LA LIBERTÉ, L’ÉGALITÉ, LA FRATERNITÉ ET LA DIVERSITÉ CULTURELLE  

A l’appel de la coordination
« LIBERTE EGALITE POUR NOS LANGUES –
Il faut modifier la Constitution »

Nous, Institut Occitan, comité Républicain de Gascogne, Euskal Haziak, Seaska, Calandreta, La Bressola, ABCM, Scola Corsa, Culture et Bilinguisme, Diwan, Divyezh, Dihun, UGB, Conseil Culturel de Bretagne, comité français du Bureau Européen des langues moins répandues, « Pour que vivent nos langues », FELCO, IEO, toutes associations investies dans la reconnaissance et le développement de nos langues régionales ou minoritaires, nous déclarons :

    Aujourd’hui, les plus hautes autorités de l’Etat, Président de la République et Premier Ministre, se font, au plan international les défenseurs de la diversité des langues et des cultures dans le Monde.

    Mais, cette «exception française », se traduit, pour les citoyens français, par un refus de plus en plus cynique de reconnaître les faits  historiques, sociaux et culturels que représentent les différentes langues et cultures existant au sein même de la République française.

    Plus grave encore, quand, conscients du risque imminent de leur disparition, les citoyens construisent eux-mêmes les outils du renouveau de ces langues et cultures minorisées,  l’Etat multiplie les obstacles.

    L’objectif, quoique inavoué, est évident pour tous : l’uniformité linguistique doit régner sur le territoire. Les langues des peuPles conquis, privées des moyens de survivre dans la vie sociale, trouveront leur place dans les musées des vainqueurs comme autant de trophées d’une guerre qu’on ne reconnaît pas.

    Ainsi, le changement constitutionnel de 1992 : « la langue de la République est la français », a été introduit au moment même où le Conseil de l’Europe, garant des droits de l’Homme, adoptait la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Sans s’opposer en quoi que ce soit, à l'invasion de l’anglo-américain, cet article n’a jamais servi, contrairement aux engagements du Gouvernement, et aux débats parlementaires, qu’à refuser toute avancée réelle dans la reconnaissance de nos langues.

Nous dénonçons cette véritable forfaiture.

    Depuis lors, les interprétations restrictives que le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel  ont successivement données de cet article ont visé, non à permettre, mais à interdire systématiquement l’expression de la pluralité de la société, pour lui imposer une norme identitaire décidée par l’Etat, au mépris, à la fois des aspirations populaires, des assemblées élues, des conventions internationales pour la protection des droits de l’Homme, et des principes fondateurs de la République complètement dévoyés.

    Ainsi :

« La liberté »: entre la liberté d’expression garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le nouvel article 2 de la Constitution faisant du français la langue de la République, le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel choisissent le français et l’imposent comme langue unique.

« L’égalité » est interprétée comme l’uniformité linguistique et culturelle et non comme l'égalité des langues, des cultures et de leurs locuteurs.

« La fraternité » n’est qu’hypocrisie intolérable quand elle refuse de reconnaître la complémentarité de l’autre dans sa dignité d’être humain.

« La laïcité » est trahie quand on l’assimile à la seule langue française. La laïcité, c’est le respect de toutes les cultures.

Si « la République française se conforme aux règles du droit public international », comme l’affirme le préambule de sa Constitution, pourquoi la France refuse-t-elle de ratifier les conventions internationales concernant les droits culturels des personnes et des groupes, et ne met-elle pas le droit international au-dessus des lois françaises comme le demandent les Nations Unies ?

    Comme à la pire époque du colonialisme, l’Etat traite ses citoyens comme sa propriété, refuse de leur reconnaître la plénitude de leur dignité d’êtres humains dotés et créateurs de culture, capables de construire leur avenir et leur identité.

    Ainsi, dévoyant l'idéal républicain d'une société fraternelle et laïque, fondée sur la libre adhésion de ses citoyens, l'État, assimilé à la Nation, sacralise une norme ethnoculturelle unique et obligatoire, garante de son « unicité » factice, mais infériorisante pour les populations dont les identités sont marginalisées.  

    C’est pourquoi :

Nous réclamons une modification de la Constitution française, pour garantir à nos langues minorisées et à leur locuteurs un statut de plein droit au sein de la République.

 

Nous exigeons que, conformément à l'idéal qui la fonde et à la Déclaration Universelle de 1948, la République française ratifie dans leur intégralité l’ensemble des textes internationaux garantissant les droits de l’Homme (1) et reconnaisse ainsi la diversité de ses composantes linguistiques et culturelles, dans la plénitude de leurs droits.

(1) Notamment la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et du Conseil de l’Europe (1992), l’article 27 du Pacte international sur les droits civils et politiques (ONU 1966), l’article 30 de la Convention relative aux droits de l’enfant (ONU 1989).

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